Les sports extrêmes n'ont pas tous les mêmes conséquences cardiaques
3 juin 2011 | Dr Walid AMARA
Paris, France — Les accidents cardiaques lors des courses d'ultra-endurance (ou ultra-trails) sont heureusement rares. Mais l'analyse des cas est importante, puisque ces accidents pourraient traduire la survenue d'anomalies cardiaques à l'effort.
Ainsi, au cours de l'ultra-trail du Mont Blanc, il a été constaté un infarctus lors de l'édition 2009, alors que pour la « Diagonale des fous », qui se court à la Réunion, 1 mort subite est survenue en 2008, et 4 syndromes coronaires aigus en 2009. Au Printemps de la Cardiologie, lors d'une session du Groupe Exercice et Réadaptation du Sport (GERS, groupe de travail de la SFC), le Dr Jean-Louis Bussière (Chatillon) a présenté l'analyse échographique de participants ayant terminé l'ultra-trail du Mont Blanc [1].
Quels sont les effets cardiaques de l'effort extrême ?
Pour le Dr Bussière, « les deux questions en suspens sont : premièrement, la fatigue cardiaque existe-t-elle ? - deuxièmement, est-elle délétère pour le cœur ? »
S'agissant de la première question, la réponse semble être oui. Ainsi, le Dr Bussière a indiqué que « l'existence de fatigue cardiaque est admise sur la base des modifications échographiques et des marqueurs biologiques constatées après certaines courses, comme après un marathon. »
Il a par ailleurs signalé que des épreuves extrêmes telles que l'Ironman d'Hawaï (3,8 km à la nage, 42 km de course à pied, 180 km à vélo) ont montré la présence de modifications significatives, en particulier une baisse du remplissage et de l'éjection du ventricule gauche et baisse de la contractilité / relaxation intrinsèque du myocarde.
L'ultra-trail du Mont-Blanc
En ce qui concerne l'ultra-trail du Mont-Blanc, il s'agit d'une course particulièrement « violente ». Elle part de Chamonix, et s'étend sur une longueur de 166 km, à travers trois pays. Sa difficulté : un dénivelé positif de plus de 9400 m à franchir par les participants en 46 heures maximum.
« Cette course est caractérisée par son taux important d'abandon. Sur les 2377 partants en 2009, on a noté 1108 abandons », a souligné le Dr Bussière.
L'analyse qu'il a présentée porte, elle, sur 21 coureurs qui ont terminé l'épreuve. Il s'agit d'une limite de l'étude, estime le Dr Bussière, puisque « les sujets ayant terminé la course, sont les plus performants. » Par ailleurs, les données ont été obtenues en moyenne 2h30 après la course.
L'échocardiographie a compris une analyse de la morphologie ventriculaire, une imagerie par doppler tissulaire et par speckle tracking.
« Nous n'avons pas retrouvé de dysfonction diastolique et systolique, ni de modification de la déformation myocardique, ni de la contractilité / relaxation myocardique », a souligné le Dr Bussière.
« Nos résultats diffèrent donc de ceux constatés dans les courses d'Iron man. Après ce type de course, il a été noté une diminution secondaire des diamètres télédiastoliques, une diminution de la vitesse de l'onde E, une diminution de la fraction d'éjection et du volume d'éjection systolique », a-t-il expliqué en rappelant les résultats des travaux menés par Stéphane Nottin (Avignon) chez des triathlètes [2].
Après l'ultra-trail, nous n'avons pas retrouvé de dysfonction diastolique et systolique, ni de modification de la déformation myocardique, ni de la contractilité / relaxation myocardique - Dr Bussière (Chatillon)
« Les effets de ces différentes épreuves sont différents », a donc conclu le Dr Bussière.
Les critères de fatigue apparaissent en fonction de l'intensité de l'épreuve, mais de manière variable en fonction des contraintes environnementales et de paramètres individuels, le niveau d'entrainement, bien sûr, mais aussi l'hydratation et le mental.
Quels risques pour ces courses extrêmes ?
S'agissant de la question des effets délétères pour le cœur, la réponse est plus nuancée.
Les risques à court terme, pendant ou juste après la course, sont importants puisqu'ils vont de la mort subite aux syndromes coronaires aigus, en passant par les troubles du rythme, les malaises graves avec hyperthermie et hyponatrémie, et les rhabdomyolyses.
A long terme cependant, la question de l'aggravation d'une myocardiopathie ou de séquelles infracliniques, telles que fibrose ou risque arythmogène, reste ouverte.
En toute hypothèse, un contrôle préalable est nécessaire avant de participer à ce type d'épreuve. L'ECG est bien sûr l'examen de base, puisqu'il accompagne toute demande de licence dès l'âge de 12 ans. Mais il est également logique de proposer une épreuve d'effort.
Références 1. Bussière J-L. Fatigue cardiaque post-effort extrême. Séance GERS. Printemps de la cardiologie, Lyon, 12 mai 2011.
2. Nottin S. Doucende G, Schuster I et col. Alteration in Left Ventricular Strains and Torsional Mechanics After Ultralong Duration Exercise in Athletes. Circ Cardiovasc Imaging. 2009;2:323-330.