Salut à toutes et à tous,
Vous allez vous régaler, ci-dessous le compte-rendu de Thierry Dehais
qui a participé au dernier Templiers.
Après une préparation « sauvage » et écourtée due à ma volonté de tout stopper suite au raid du golfe
où
l’aventure s’était arrêtée vannes, pendant 2 semaines, je visite sans
cesse le site des templiers, semblant jouer à « plouf plouf,
ira-ira-pas aux templiers »…puis en raisonnant (oui, cela peut
m’arriver une fois l’an), je me dis que si je n’y participe pas, les
remords feront leur apparition, j’y tiens à mes chers templiers, mais
surtout grâce aux encouragements de Pascal et de toutes les émotions et
moments passés avec les membres de mon club, je décide de participer
finalement aux Templiers. (Sans le club, il n’est pas certain du tout,
mais alors, pas du tout, que j’aurai remis le pied à l’étrier).
Nous partons (avec Stephane, un copain) de Rennes, jeudi matin à 7 heures : voyage tranquille où durant le
voyage,
je me prends même à photographier mes converses avec le portable et le
pont de Millau sous la pluie. Et oui, c’est sous la pluie que nous
irons récupéré nos dossards, n°10 pour moi, « mélancoliques ruines des
siècles révolus »… mais, discussion avec plein de copains que je
retrouve : super, génial ! Les résultats restent des chiffres, les
vrais potes, des mots qui font chaud au cœur…
Nous nous rendons
à la chambre d’hôtel située à 200m du départ ouahhhhh ; en plus, sas
élite, super pour demain, hébergement très bien. Mon compagnon de route
et moi décidons d’aller boire une petite mousse (oui, ça aussi, ça
m’arrive, bon ok, un peu plus qu’une fois l’an…) et de marcher un peu,
histoire de se détendre.
Nous passons à nos ultimes préparatifs, puis nous couchons de bonne heure : 21 heures, tout feux éteints.
Réveil à 2h30 mais oulala, le cardio affiche 80 puls couché et 100 debout : la crève, quand tu nous
tiens…
, je sais donc déjà que ça va être dur. Cependant, des SMS
d’encouragement m’arrivent dès 3 heures du matin : ça fait plaisir.
Je ne parviens pas à me décider pour l’alimentation et là je commets une erreur (que je paierai plus tard bien
sûr, sinon j’aurai évité de la commettre…) je vais emporter 500 grs inutiles de gels et barres (que d’énergie gaspillée).
Je quitte la chambre à 3h50 pour un
départ à 4 heures (d’où l’intérêt du sas) : vérification du matos, un petit mot de Gilles Bertrand toujours aussi sympa…
Et attention,
Top Départ,
c’est parti mon Titi : une folie, je me fais doubler de tous côtés, et
mon cardio m’ordonne de ralentir encore car mes fréquences n’ont, bien
entendu, pas diminuées, on est maintenant dans la réalité, plus dans
les élucubrations.
On attaque la première partie en montée douce mais là, je ne ressens que des douleurs un peu partout et non
content
de ne doubler personne, c’est l’inverse qui se produit, mais philosophe
(alors, ça, en général, ça ne m’est arrivé qu’en terminale quand je me
prenais une veste avec des filles…), je me dis que tôt ou tard,
j’arriverai bien à aller mieux dans un moment.
Au final de cette étape, j’atteins
Sauclières en 1h38,
je ne connais pas ma place mais je l’estime dans les 150 et je commence
à positiver car, c’est top, je n’ai pas vu le temps passer !
Là, on attaque la
montée de Saint Guiral et me décide donc à monter mes bâtons : j’avoue que l’idée
de
ces derniers fut l’une de mes meilleures car ils ne quitteront plus mes
petits doigts musclés (faut bien l’être encore quelque part !), ancrés
aux deux mains pour les montées et à une seule pour le plat et les
descentes.
Nous écopons, au niveau météorologique d’une température plutôt fraîche, d’un petit vent, de brouillard,
et
pour me rappeler mes racines, d’un crachin breton : les conditions sont
donc réunies pour avancer convenablement sauf pour le brouillard, je
n’avais pas prévu de couteau (ouaip, je ne fais pas partie de ses
hommes qui dans la vie font avec leur b… et leur couteau hum) et
j’avoue que j’ai bien failli me perdre une ou deux fois mais bon plus
de peur que de mal.
Descente sur
Dourbies, où,
le jour s’étant pointé, tout va déjà mieux : ravitaillement, je suis
calme et serein d’autant que je suis complètement dans les temps que je
m’étais fixés. Je bigophone ma petite femme avec laquelle j’aurai une
conversation à chaque ravito à partir de ce moment ( ça fait du bien à
tout le monde sauf les fois où ayant emprunté son portable, je « me
suis tapé des correspondants qui cherchaient à la joindre…et je vous
garantis que décrocher en plein effort, voire en plein doute et
souffrance, à des interlocuteurs importuns ce jour-là, c’est
raide…résultat, ils se seront retrouvés « interlocutés » sans aucun
remord mdrr).
Bref, je quitte le ravito en
4h10 soit en
60ème position.
Allez, maintenant il s’agit d’attaquer la partie que j’avais programmée comme étant la plus dure avec la
montée
sur Prat Preyrot et la montée de Dourbie, mais en fin de compte ,
celle-ci va se révéler relativement facile en raison d’un dénivelé
régulier. La suite est une portion agréable avec le jour mais très
froide et avec beaucoup de vent. Je rejoins la station de ski après
6h30 de course ( km 57), en bonne forme , lucide, bref, bien.
A
ce moment-là, je suis 28ème, (un moral gonflé sachant que théoriquement
la section suivante est la plus facile et qu’il ne s’agit que de
gestion de course). Je me change (naaaaaaan, je mets pas ma tenue de
ski…) car les conditions au sommet du Mont Aigoual sont assez
difficiles, très fort vent avec un thermomètre qui affiche seulement 2
°C et, comme de fait, arrivé au sommet, avec le vent , j’étais scotché
au bitume (à la limite de reculer, je n’arrivais plus à respirer), puis
attaque de la descente sur Camprieu que je croyais facile mais la je me
suis ramassé plein de gros tape-cul où on laisse une énergie
phénoménale, en plus, quelle que soit la direction dans laquelle je
regarde, je suis tout seul, c’est long…………..Alors, je me dis, « Bah
petit
Gars, tu va en baver ».
Je rejoins cependant
Camprieu(superbe section avec des passages de cascades eten sous-bois
magnifiques, mais il n’y a même pas une fille à se baigner sous la
cascade, comme quoi, je suis toujours lucide héhé) :
km 70, 7h45 de course,
toujours calqué à mes prévisions. Je re-bigophone ma femme mais là, je
lui annonce que ça va être dur pour moi : je sens la grosse baisse de
régime malgré tout, et même si je suis pointé à la 25ème place, je sais
que ça ne durera pas mais aujourd’hui, ce n’était pas l’essentiel.
Je
quitte donc le ravito en marchant : c’est le début de mon chemin de
croix (heureusement que j’avais mes bâtons…de pélerin, on se sent moins
seul oui,oui) car Le Larzac sans voir quiconque c’est pas top ! Enfin ,
je me dis « avance, il y en a d’autres qui sont pas bien non plus ».
C’est en abordant la descente sur Treves que les souvenirs qui font mal
affluent et ne me quitteront plus : en effet, aujourd’hui, la descente
ne se fait plus à la même vitesse, ni même avec les mêmes idées en
tête. Il faut bien se rendre à l’évidence, qu’elle fasse mal ou non :
le Titi n’est plus celui qu’il était mais il faut achever ce chemin de
croix pour reprendre le dessus et revivre ces souvenirs…
Ravito à Treves en
22ème
position et
10h15 de course, là j’ai compris depuis longtemps que mes prévisions ne sont plus les bonnes…
J’essaie
de faire une micro-sieste, je bois et surtout, je prends mon temps : du
coup, je me fais doubler et redoubler…la descente aux enfers commence.
Je quitte le ravito 26ème après un dernier réconfort de ma petite femme
et de
mon petit frère (ne rougis pas, marathonien et compagnon de toutes mes routes, je sais que tu sais que je parle de toi…)
Désormais, je ne penserai plus qu’à une chose : a-v-a-n-c-e-r (ce qui, pour moi, déjà, est un exploit, étant
mec
et blond) en rampant, sur les mains, avec les dents s’il le faut, peu
importe, mais avancer. Alors, je ne vous explique les états par
lesquels je suis passé, tant physiquement que moralement, entre le
front qui se met d’un coup d’un seul à littéralement ruisseler, la tête
qui ne veut plus rien savoir ou les jambes qui deviennent dures comme
du bois.
J’arrive tant bien que mal (surtout mal) au dernier
ravito à Revens,
en état d’hypoglycémie complète et, je pense que mon étoile m’a suivi
pour qu’il n’y ait pas de médecin à ce moment-là (« le cœur a ses
raisons……. »), toujours en 26ème position mais je savais qu’un petit
groupe arrivait, les ayant aperçu au loin. Je bois du thé, je mange du
fromage puis rappelle ma femme à laquelle j’annonce que je ne peux même
plus marcher, que dans ces conditions, c’est l’enfer mais que je vais
finir : « j’arriverai quand je pourrais mais je finirai (pas comme au
golfe, non tout, mais pas ça !) ». J’en avais les larmes aux yeux à ce
moment-là.
Une fois raccroché, j’ai de nouveau mangé et bu puis,
je suis parti mais là, gros problème : une marche à descendre qui
m’oblige à m’agripper au montant pour la passer, puis s’ensuivent
environ 500m qui me sont parus interminables où la volonté d’essayer de
courir tant mes cuisses étaient douloureuses ne pouvait plus prendre le
dessus. Là, en toute franchise, j’ai songé à tout arrêter mais dans le
brouhaha de la souffrance, une petite voix s’est faite entendre : « tu
le regretteras…continues… » ; j’ai caressé le collier de ma femme et
comme par miracle, tout a disparu, je me suis mis à courir comme un
lièvre, à sauter comme un cabri…………………pfffffffffffffffffff, n’importe
quoi, le miracle a juste (et c’est bien suffisant) fait que je suis
parvenu à mettre un pied devant l’autre et encore…Pendant ce temps-là,
4 coureurs sont passés mais
c’est devenu vraiment annexe.
Je
connais (hélàs…) la fin duparcours par cœur et je sais donc en
connaissance de cause que je vais souffrir : une grosse descente
technique et une autre, finale, plus facile avec une gentille montée au
milieu.
Comme pressenti, cette descente est un véritable
supplice, où tout obstacle minime devient une incroyable muraille a
passer, je me suis même mis à penser que je préférais les montées aux
descentes (moi, le Titi qui, d’habitude, exulte littéralement tant en
descente).
Contre toute attente, une surprise va me requinquer
un tant soit peu sur le bas de la descente : je rattrape, dans une
montée avec mes bâtons, un gars qui m’avait doublé au ravito ; une fois
à sa hauteur, après un échange du regard, je lui déclare : « on s’aide
jusqu’au bout ! ». Ainsi, dans toute la montée sur Nant, il s’est
accroché à moi, on était comme deux frères alors que 2 secondes avant
on ne se connaissait même pas. Nous avons alors abordé la descente
finale qui fut pour moi terrible n’ayant plus de lumière et que la nuit
tombait vite.
Nous atteignons enfin le villageau bout de 15h14 et là, ensemble, on a marché, simplement marché
pendant toute la traversée de Nant en discutant, en appréciant tout ce
qui venait de se passer : moi , j’étais plus mort que vif, je tremblais
de froid, j’étais pris de terribles nausées, et d’ailleurs, je pense
que je devais faire très peur…pour vous dire, j’ai un trou de mémoire :
je ne sais même plus à qui j’ai parlé au téléphone ni même ce que j’ai
bien pu raconter au micro…
Puis, j’ai vu Eric accompagné de ses
copains, je ne pourrais pas vous dire non plus de quoi on a parlé
(certainement de la course mais je n’en suis même pas sûr). J’ai essayé
ensuite de récupérer au ravito final mais c’était devenu impossible,
j’ai vu ma copine Coco (une bonne marathonienne…2h28 mais surtout une
sacrée compagne d’aventures sportives), on se donne rendez-vous au café
de l’hôtel une fois que je serai propre !!!!!!!!!!!!!!!
J’arrive
à l’hôtel mais la douche, même looooooooooooongue et bouillante, ne me
réchauffe nullement alors je me mets au lit avec 2 pulls, grelottant,
nauséeux, mal… mais le téléphone me ramène un tant soit peu à la vie :
« et oui petit gars, t’avais donné rendez-vous ». Je descends donc au
bar, avec mon air de zombie, sans
aucune volonté de manger mais Coco
m’invite à table avec Laurence Klein et Dominique Chauvelier qui se
sont bien moqués de moi : à leurs yeux, j’avais l’air shooté !!!
Nous sommes ensuite allés attendre mon compagnon de route, Stéphane, qui terminera en 19h34 mais qui,
lui,
aura eu moins de chance que moi, ayant croisé un médecin lors de son
hypoglycémie…et notez, siouplaît, que Monsieur mon copain a passé 4h de
périple dans la nuit pour terminer : chapeau ! et Merci de ta compagnie
pour ce we, Stéphane.
Au final, aucun remord dès l’inscription
aux templiers et aucun regret à l’arrivée : je n’ai pas vaincu
l’endurance trail mais j’ai vaincu le souvenir du raid du Golfe et
surtout, je me suis vaincu…j’en pleure encore en écrivant ces lignes…